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Chronique d’un voyage au Canada, pays des libertés confinées – 4

Dans cette série – Les combattants de la liberté – Kevin Brookes nous raconte ses aventures administratives en temps de pandémie.

Vive le Québec libre ! – Épisode 4

Huitième jour de quarantaine obligatoire. Huit jours que je remplis scrupuleusement le court questionnaire que m’envoie tous les jours le gouvernement à 11h du matin pour me demander si j’ai des symptômes Covid (après, rappelons-le, une vaccination, un test avant le départ et un autre test à l’arrivée à l’aéroport). C’est le jour où je dois m’auto-administrer un test PCR à l’aide d’une infirmière en visio-conférence. Après 45 minutes, j’exécute ce rituel désagréable sans accroc. Je mets le tube dans un sac pré-étiqueté d’une compagnie d’envoi de colis et on m’informe qu’on va venir le chercher à mon domicile. Un bug informatique et l’impossibilité de contacter l’entreprise m’obligent à rappeler le laboratoire médical qui m’a fait passer le test. On me propose le plan B : me rendre dans l’hypercentre de Montréal pour déposer mon test dans une boîte d’expédition. «Mais, je suis censé être confiné», dis-je au téléphone. On me répond que je peux bénéficier d’une exception pour pallier ce bug informatique. On m’informe que je suis obligé de me déplacer dans un véhicule motorisé. La facture est salée et ne m’est pas remboursée. Je respire un petit air de liberté ce jour-là en déambulant dans le centre commercial où se trouve la boîte dans laquelle on me demande d’expédier mon test.

9ème jour, je lis de bon matin les informations dans mon lit quand j’entends une sonnette retentir. «Ça y est, le gouvernement me rend visite» me dis-je. Il était bien spécifié dans les mails du gouvernement que des agents pouvaient m’appeler ou frapper à la porte à n’importe quel moment pour s’assurer que je respectais la quarantaine. J’enfile un pantalon et je descends masqué et les cheveux ébouriffés pour ouvrir à une dame en gilet jaune qui travaille pour une compagnie de gardiennage privée.

«Pourquoi n’avez-vous pas ouvert plus tôt, Monsieur. Vous n’étiez pas à votre domicile ? J’étais sur le point de laisser un avis de passage dans votre boîte à lettres pour signaler que vous n’aviez pas respecté les règles de la quarantaine»

«Désolé, je n’ai pas entendu la sonnette plus tôt.»

«Pièce d’identité s’il vous plaît.»

Je remonte chercher mon passeport et subis un mini-interrogatoire pour m’assurer que je ne reçois personne chez moi et que je fais mes courses en ligne.

11ème jour : je reçois le résultat négatif de mon test Covid auto-administré. Liberté ? Non, ce test consistait simplement à déterminer si la quarantaine était prolongée de deux semaines en cas de résultat positif. Je dois prendre mon mal en patience et rester cloîtré trois jours de plus chez moi. Je regarde par curiosité le nombre de cas et de décès liés à la Covid ce jour-là au Québec : respectivement 160 et 0. Je commence à calculer la probabilité de transmettre le virus après trois tests PCR négatifs réalisés, et ma vaccination faite un mois plus tôt… mais je renonce et je laisse cela aux experts.

14ème jour : je sors finalement de mon logement, libre. Je me renseigne sur les conditions de retour en France, deux semaines plus tard. Un simple test PCR gratuit à l’aéroport ? En fait, je découvre par une amie, qu’il faut réserver un créneau parmi 5 compagnies pharmaceutiques à Montréal et s’acquitter de la modique somme d’environ 150 euros. Le manque de disponibilité des créneaux m’oblige à changer mes plans de voyage, tant pis. Je passe deux semaines agréables à Montréal où on ressent la peur de la Covid partout. Dans une chaîne de supermarché, j’entends un agent se féliciter dans les haut-parleurs que les règles sanitaires soient plus sévères que celles de Santé Canada. Je rencontre des Canadiens qui ont été marqués par le passage des hélicoptères dans les parcs de Montréal pour dissuader les rassemblements trop nombreux. Je constate une campagne médiatique inquiétante sur le variant delta (d’une tonalité plus alarmiste qu’en Europe), j’entends les craintes exprimées des politiciens et des experts en santé publique face au déconfinement progressif. Malgré cela, la vie reprend. Et les bons scores du «Canadien», l’équipe de Hockey de Montréal aide à retrouver la vie d’avant : des milliers de gens s’amassent pour célébrer les victoires successives de leur équipe (sans se préoccuper des jauges et de la distanciation sociale) et une mini-émeute éclate même tant les gens sont en liesse (trois voitures de police sont renversées). Le sport au service du retour à la normale ?

30e jour : À l’aéroport de Montréal, tout semble revenu à la normale : avec la levée de la règle de quarantaine obligatoire (que j’ai manquée à quelques semaines près), les Canadiens et les expatriés se sont empressés de prendre leur billet d’avion. Notamment beaucoup de Français qui ont été privés de revoir leur famille pendant de longs mois. À ma grande surprise, je passe au travers des contrôles sans question et sans qu’on vérifie mon test PCR… Déroutant séjour.

Kevin Brookes est docteur en science politique, chercheur associé à GenerationLibre, chargé de cours à HEC Montréal et coordinateur francophone de l’Institut d’études libérales (basé au Canada).

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