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Tolbi : un outil connecté au service des agriculteurs

La tech, outil de la liberté en Afrique – Épisode 3

Dans le troisième épisode de cette série – La tech, outil de la liberté en Afrique – Marlène Panara met en lumière Tolbi, un kit d’objets connectés qui permet aux agriculteurs de contrôler, par eux-mêmes, la gestion de l’eau sur leurs cultures, et de se libérer des aléas du changement climatique. 


À l’époque, nos parents n’avaient pas accès à l’information comme nous, aujourd’hui. Avec Internet, nous avons accès aux mêmes ressources que tout le monde. Nous n’avons plus d’excuses. 

En ce début du mois de février 2020, Fara Diamé est contrarié. Ce maraîcher installé près de Dakar au Sénégal, a perdu «une bonne partie de la récolte» de son champ d’oignons, à cause des fortes chaleurs. Il prend alors conscience, bien malgré lui, de la raréfaction de l’eau.

La gestion de l’eau dans les cultures africaines, sous des climats tropicaux et désertiques, voici le défi auquel répond Tolbi. Ce kit d’objets connectés, qui fonctionne grâce à une intelligence artificielle, permet à son utilisateur de «connaître les besoins exacts en eau de son champ, et donc d’éviter le gaspillage», explique Mouhamadou Lamine Kébé, un de ses concepteurs. Son fonctionnement est simple : l’agriculteur passe un appel vocal depuis son téléphone portable pour interagir avec le dispositif. Une voix lui soumet alors plusieurs propositions. Par exemple, «si vous souhaitez connaître la quantité d’eau dont votre parcelle a besoin actuellement, appuyez sur la touche 1».

Tolbi, qui collecte les besoins du champ via un «senseur», un boîtier planté sur le terrain correspondant, et un algorithme dédié, fournit en quelques secondes les informations demandées par l’utilisateur. «Notre outil livre aux producteurs différentes données, qui vont leur permettre de prendre les bonnes décisions», assure Mouhamadou Lamine Kébé. Avec, à la clé, de nombreux bénéfices. «Lorsqu’on maîtrise ses besoins, on réduit par la même occasion sa facture d’eau. Ce qui permet ensuite d’investir les économies réalisées dans d’autres parcelles, et de développer son exploitation», indique-t-il. Tolbi détecte aussi les maladies que peuvent contracter les cultures, et établit des prévisions de rendement. Le tout, avec un téléphone portable connecté au réseau télécom, et une connexion 2G, garantie dans tout le pays.

Un outil adapté aux réalités africaines

Lancée en 2019, la société emploie aujourd’hui sept personnes, dont ses trois fondateurs. Mouhamadou Lamine Kébé, 24 ans, ingénieur en télécommunications, est en charge du développement des outils. Ancien étudiant de l’École Supérieure Polytechnique de Dakar, il n’a pas toujours été passionné par les nouvelles technologies. «Quand j’étais plus jeune, je voulais être sociologue. Et puis, au collège, j’ai voulu devenir ingénieur, car je me disais que cela pouvait aider ma famille», raconte-t-il.

Ses grands-parents, cultivateurs de céréales, de riz et d’arachide, n’avaient pas accès aux technologies. Et lorsque des innovations ont commencé à apparaître sur le sol sénégalais, «elles n’étaient pas adaptées aux problématiques africaines». «La majorité des outils étaient créés par des Européens, pour des utilisateurs européens. Avec, en plus, des prix bien trop élevés». Alors quand Mouhamadou, encore étudiant, lance Tolbi avec ses deux associés, ils développent leurs outils en deux langues : le wolof, langue comprise par plus de 90% de la population sénégalaise, et le pulaar, une variété du peul, parlée au Sénégal mais aussi au Mali et en Mauritanie. «Une technologie pratique, dans une langue que je ne connais pas, l’anglais par exemple, je ne peux pas m’en servir, confirme Fara Diamé. La technologie Tolbi, elle, est accessible à tous».

«Trouver nos propres solutions»

Dès le départ, l’objectif des trois jeunes Sénégalais est audacieux : «contribuer au développement du pays», dont l’agriculture est un pilier économique. D’après l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANDS), le secteur emploie en effet 27,8 % de la population. À l’échelle du continent, l’agriculture représente en moyenne 30% du PIB, selon la Banque mondiale. Pour autant, les agriculteurs font face depuis quelques années à un défi colossal : le changement climatique. Avec 98% de ses terres cultivées sous pluie – un type d’agriculture qui suit le cycle des précipitations annuelles, et se distingue des cultures irriguées – le Sénégal est très exposé à la raréfaction de l’eau et aux aléas météorologiques. Fara Diamé confirme : «nous, les agriculteurs, nous sommes confrontés à des vagues de chaleurs sans précédent. Nos récoltes en souffrent».

Pourtant, le gouvernement compte sur son secteur phare dans la relance post pandémie. «C’est pour cela que nous nous devons de trouver nos propres solutions, pour nous adapter, lance Mouhamadou. À l’époque, nos parents n’avaient pas accès à l’information comme nous, aujourd’hui. Avec Internet, nous avons accès aux mêmes ressources que tout le monde. Nous n’avons plus d’excuses». 

Ambitieux, les fondateurs de Tolbi souhaitent désormais proposer leurs outils au-delà des frontières du Sénégal. Si la pandémie de Covid-19 a quelque peu affecté leurs projets, en 2022, les entrepreneurs se voient en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Maroc, où ils projettent de s’implanter. Pour le moment, Mouhamadou n’envisage pas de bureau ailleurs que sur le continent. «En Europe il faut créer des besoins. En Afrique, il y a tellement plus à faire».

Un constat partagé par les entrepreneurs africains qui révolutionnent la mobilité, à suivre dans l’épisode 4 de notre série consacrée à l’Afrique.


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