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Moja Ride : un trio d’applications au service de la mobilité

La tech, outil de la liberté en Afrique – Épisode 4

Dans cette série – La tech, outil de la liberté en Afrique – Marlène Panara s’intéresse à l’avènement des nouvelles technologies en Afrique qui permettent aux individus de répondre aux défaillances de l’État. Elle nous emmène dans différents pays du continent africain, à la découverte de solutions créatives et libératrices dans les domaines de la santé, de l’agriculture, de la mobilité, de la Fintech et de l’enseignement.


Nous souhaitons vraiment apporter aux Africains une solution durable, qui allège leur quotidien

C’est la plus grande concentration urbaine d’Afrique. Sur ce littoral presque entièrement urbanisé, qui s’étale d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, à Lagos au Nigeria, vivent 40 millions de personnes. Dans cette zone où se sont bâties en quelques années des villes tentaculaires, se déplacer au quotidien est un véritable défi. Né dans un village de Côte d’Ivoire mais ancien étudiant à Yamoussoukro, Jean-Claude Gouessé s’en souvient. «Dans les villes africaines modernes, les transports publics sont totalement désorganisés. C’est pourtant un secteur crucial pour le développement d’un pays».

À Washington, où il s’est installé après ses études, l’idée fait son chemin. Celle d’un outil qui permettrait aux Ivoiriens, et plus largement aux Africains, de pouvoir se déplacer plus facilement. En poste dans une agence fédérale, en charge de la gestion des services informatiques, Jean-Claude Gouessé imagine une innovation en lien avec les nouvelles technologies. En 2018, il en ébauche les contours. Deux ans plus tard, Moja Ride est lancée dans plusieurs départements d’Abidjan, en Côte d’Ivoire.

«Tranquillité d’esprit»

La plateforme, entièrement gratuite, contient trois applications mobiles. La première, dédiée au transport urbain, met en relation passagers et conducteurs de bus ou de taxis. Via leur téléphone, les utilisateurs peuvent réserver un véhicule, en entrant en contact directement avec son chauffeur. Avec le second dispositif, Moja Bus, les Ivoiriens peuvent acheter leur billet de car en ligne, pour voyager d’une ville à l’autre. Celui-ci est sauvegardé sur le téléphone de l’utilisateur. La transaction, elle, est conservée dans la troisième application de la plateforme, Moja Wallet, un portefeuille numérique.

Si l’achat de billets en ligne commence doucement à se démocratiser en Côte d’Ivoire, Moja Ride se distingue, selon les mots de son fondateur, par «sa fluidité de navigation». «La plupart des sites de réservation exigent un compte chez un opérateur de transfert d’argent, ou une carte de crédit, alors que peu d’Ivoiriens sont bancarisés», indique-t-il. Autre avantage, pour les utilisateurs : «le gain de temps et d’énergie», rendu possible par les réservations sur l’application. Avec Moja Ride, les Abidjanais «gagnent en tranquillité d’esprit, assure Jean-Claude Gouessé. Leur journée n’est plus gâchée par les aléas des transports». Le paiement digital, quant à lui, affranchit les utilisateurs de l’obligation de régler les courses en espèces, ce qui pose souvent des problèmes de sécurité.

La plateforme peut aussi être utile aux chauffeurs. D’après son fondateur, «l’un des problèmes majeurs du transport en Côte d’Ivoire, c’est le manque de financement pour les entrepreneurs. Un conducteur qui veut se lancer aura toutes les difficultés du monde à convaincre son banquier». Résultat : «le secteur est informel à plus de 70%, déplore Jean-Claude Gouessé. La traçabilité des conducteurs garantie par nos applications les rend plus ‘bankables’ auprès des banques et des investisseurs. Convaincus, ils accordent bien plus facilement leur confiance, et leurs financements».

Des tests au Gabon, au Sénégal et au Burkina Faso

Un an et demi après son lancement, Moja Ride a convaincu les investisseurs – début mars, la startup a obtenu un financement de Mobility 54, le fonds dédié à l’Afrique de l’écosystème Toyota – comme les Ivoiriens. Ses applications comptabilisent entre 800 et 1 200 courses par jour. Une expansion dans d’autres pays d’Afrique est au programme. Moja Ride est en ce moment testée à Libreville au Gabon, à Dakar au Sénégal et à Ouagadougou, au Burkina Faso.

Des métropoles dans lesquelles l’entrepreneur compte bien séduire son public cible, composé à 30% de lycéens et d’étudiants et pour plus de la moitié, de travailleurs non véhiculés. Mais depuis peu, une nouvelle catégorie d’utilisateurs se dessine. «Des personnes qui ont un emploi et une voiture, mais qui choisissent de ne pas la prendre pour se rendre sur leur lieu de travail, affirme Jean-Claude Gouessé. Cela prouve que si on propose des offres de transports convenables aux gens, ils les adoptent. Ces comportements font diminuer le nombre de véhicules en ville. Une gageure tant pour la population que pour l’environnement».  

Depuis le 9 novembre, Moja Ride est accessible à tous les Abidjanais. Bientôt, les habitants de Yamoussoukro et de Daoukro, dans le centre et l’est du pays, pourront aussi réserver leur chauffeur et leur ticket de bus sur Moja Ride. «Même si le chantier est de taille, ça en vaut la peine, confie son fondateur. Nous souhaitons vraiment apporter aux Africains une solution durable, qui allège leur quotidien».


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