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Kaino Africa : la plateforme ougandaise qui donne envie d’apprendre … et d’enseigner

La tech, outil de la liberté en Afrique – Épisode 5

Dans cette série – La tech, outil de la liberté en Afrique – Marlène Panara s’intéresse à l’avènement des nouvelles technologies en Afrique qui permettent aux individus de répondre aux défaillances de l’État. Elle nous emmène dans différents pays du continent africain, à la découverte de solutions créatives et libératrices dans les domaines de la santé, de l’agriculture, de la mobilité, de la Fintech et de l’enseignement.


La Edtech n’est pas seulement réservée aux enfants et aux professeurs des villes. À la campagne aussi, tous doivent pouvoir accéder à la technologie.

Bonne nouvelle pour l’Ouganda. En janvier 2022, toutes les écoles du pays rouvriront «quel que soit le taux de vaccination dans le pays», a fait savoir le président Yoweri Museveni. Pour les associations de parents d’élèves comme pour les enseignants, difficile pourtant de se réjouir. La déscolarisation de quelque 15 millions d’enfants fait en effet redouter de multiples difficultés à venir. Parmi elles, celle de classes surchargées, à cause de la pénurie d’enseignants. Car pendant la pandémie, de nombreux professeurs, en manque de revenus suffisants, ont préféré changer de métier. Beaucoup d’écoles, incapables de rembourser leurs prêts, ont également fermé leurs portes. Certaines se sont même transformées en hôtels ou en restaurants.

Dans ce contexte, un secteur tire son épingle du jeu : la Edtech. L’école à distance s’est révélée une aide précieuse pour des millions de parents et d’enseignants à travers le monde. En Ouganda, une partie d’entre eux a pu s’appuyer sur Kaino Africa. Créée en 2018 par Lyndah Kembabazi, la plateforme accessible sur ordinateur et sur tablette permet d’accéder à des centaines de cours, alignés sur les programmes scolaires officiels du pays. Lecture, science, technologie, ingénierie et mathématiques, le panel de matières proposé est conséquent.

Surtout lorsque sa fondatrice révèle la tranche d’âge à laquelle Kaino Africa est destinée : les 3 – 6 ans. «Ça peut sembler beaucoup c’est vrai, admet-elle. D’ordinaire, ce genre d’innovations est destinée aux enfants plus âgés, scolarisés à l’école primaire. En Ouganda, il en existe très peu pour ceux de l’école maternelle. Pourtant, tout se passe à cet âge, où le cerveau absorbe tout. C’est à ce moment-là qu’il a besoin d’être stimulé». Dans le pays, l’école maternelle n’est pas obligatoire, ce que déplore Lyndah Kimbabazi. Cette situation a donc poussé la jeune femme à investir toute son énergie dans l’apprentissage des tout-petits, partout sur le territoire, en ville comme dans les plus petits villages.

À la campagne aussi

Car c’est l’autre défi majeur auquel est confronté le pays : la scolarisation des enfants en zone rurale. D’après Dorothy Ssekimipi, économiste au ministère de l’Éducation ougandais, dans les campagnes, certains élèves ont plus de cinq kilomètres à parcourir à pied pour aller à l’école», assure-t-elle à l’Unesco. «Quand l’école est trop éloignée, les enfants cessent d’y aller. Surtout les petites filles, car le trajet est trop dangereux pour elles». Pour les professeurs, enseigner en zone rurale se révèle tout aussi difficile. «Le matériel d’apprentissage y est souvent insuffisant, et les classes surchargées», révèle le Partenariat mondial pour l’Éducation.

Le manque de logements, et la difficulté d’accéder à son lieu de travail en raison du mauvais état des routes sont d’autres obstacles. Résultat, le niveau d’absentéisme des enseignants dans ces zones est tenace. Alors là aussi, «Kaino Africa a un rôle à jouer», assure Lyndah Kimbabazi. «La Edtech n’est pas seulement réservée aux enfants et aux professeurs des villes. À la campagne aussi, tous doivent pouvoir accéder à la technologie». Afin de leur garantir l’accès à sa plateforme, l’entrepreneuse et son équipe travaillent d’ailleurs au développement d’une version accessible sans connexion Internet – en 2019, la pénétration d’Internet en Ouganda s’élevait à 42 % – sur tous les supports y compris les téléphones portables.

Une entrepreneuse de la Edtech qui n’a jamais aimé l’école

Si aujourd’hui l’accès à l’éducation pour tous est «la priorité numéro 1» de Lyndah Kimbabazi, la jeune femme s’était pourtant lancée, après son bac, dans des études de tourisme. «J’avais un très mauvais souvenir de l’école. Je me suis toujours forcée à y aller, je n’ai jamais aimé ça. Alors il était hors de question d’y consacrer ma carrière», raconte-t-elle. Et puis l’étudiante, originaire d’une petite ville située à 400 km de la capitale Kampala, se découvre une passion pour la psychologie de l’enfant. Elle se lance alors dans une formation spécialisée, au Commonwealth Education Trust, basé à Londres.

«Je me suis dit : ‘il faut que tu transformes ce mauvais souvenir en quelque chose de positif’. J’ai eu envie de changer les choses. De faire de l’école un endroit épanouissant, pour les élèves comme pour les instituteurs». Pour concrétiser son projet, la jeune femme choisit la tech. Même si elle reconnaît que les investisseurs sont encore difficiles à convaincre, cela ne l’empêche pas d’imaginer l’avenir de Kaino Africa, ailleurs en Afrique. «Et pourquoi pas, pour commencer, chez notre voisin en Tanzanie ?».

Vous pouvez découvrir la plateforme Kaino Africa ici.


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