Le libéralisme a mauvaise presse. Surtout dans le monde politique. Se targuer de « libéral » est le meilleur moyen de s’attirer les foudres. En règle générale, le terme « libéral » est caricaturé pour décrédibiliser et éviter le débat d’idées. Mais qu’est-ce qu’est vraiment le libéralisme ?
Définir ce qu’est la liberté est un projet trop ambitieux pour un premier article qui se doit d’être succinct. Je me contenterai ici d’en traiter certains aspects qui me paraissent les plus pertinents et attirants.
Le libéralisme est un système de pensée philosophique, politique et économique qui place l’individu et sa liberté au centre de la réflexion. Il nous arrive souvent de lire dans la presse qu’il existe une distinction, voire une opposition entre différents aspects du libéralisme, comme le libéralisme politique et économique. Or, chaque déclinaison du libéralisme participe d’un même ensemble cohérent. Petit tour d’horizon.
En philosophie
Parler de libéralisme de nos jours, c’est souvent en faire le procès. On le réduit même à sa composante économique, qui serait mère de tous les maux de la société. Mais il ne faut pas oublier qu’avant tout, le libéralisme est un système philosophique.
Les principes libéraux prennent racine dans le courant Humaniste au XVIe siècle et dans le mouvement des Lumières du XVIIIe siècle. Tous ces penseurs, inventeurs, scientifique et écrivains, de Montaigne à Voltaire et de De Vinci à Locke, se rejoignent sur le postulat suivant : l’individu existe et est une entité à part entière. Il peut progresser, par l’accès à la connaissance notamment, et doit être libre de vivre sa propre vie, émancipé de toute ingérence extérieure comme celle de l’État. Cela implique donc d’être responsable de ses actes et de sa vie, et d’assumer les conséquences de ses choix.
D’une certaine manière, être libéral, signifie avoir foi en l’individu et en ses capacités à agir pour lui-même. Ces principes constituent le socle sur lequel se sont développées les institutions politiques et économiques promouvant et garantissant la liberté des individus dans nos sociétés.
En politique
En parallèle à cette rupture philosophique et conceptuelle qui s’oppose à l’obscurantisme du Moyen-Âge, une révolution politique et sociale a lieu. Si l’individu doit être libre, il faut mettre en place des institutions qui permettent cette liberté de manière effective.
Les Révolutions Américaines et Françaises bien entendu, mais aussi les changements de régime introduits en Angleterre un siècle plus tôt ont été accompagnées d’innovations qui permettaient de garantir les droits fondamentaux des individus contre l’arbitraire de l’état.
L’Habeas Corpus, introduit en 1672 en Angleterre, pose les bases d’une justice émancipée de l’arbitraire qui garantit à chaque individu d’être traité équitablement. C’est l’origine de l’état de droit. Les révolutions bourgeoises en France et aux États-Unis aboutissent à l’élaboration formelle de droits fondamentaux et inaliénables. La liberté d’expression, par exemple, ou le droit de propriété, particulièrement chéri par les libéraux. Propriété de soi-même, de son travail, et de ses biens.
Quel doit désormais être le rôle de l’Etat ? Protéger les individus des atteintes contre leur personne ou leur bien. Le rôle de l’Etat est désormais limité à un rôle « négatif », celui d’empêcher les abus et d’en protéger les individus. Benjamin Constant résume très bien le rapport qu’entretiennent les libéraux classiques avec l’Etat : « Que l’état se borne à être juste, nous nous forcerons d’être heureux. »
Ces « innovations institutionnelles » qui découlent des révolutions libérales, ne garantissent pas uniquement la liberté des individus. Leur contribution sera également décisive dans le processus d’évolution du monde occidental et de l’essor économique de notre civilisation.
En économie
Les deux aspects précédents sont presque toujours et unanimement considérés comme un progrès. Les Révolutions, les droits de l’homme, la lutte contre l’absolutisme. Toutefois, les choses changent quand on traite du « libéralisme économique » ou « néolibéralisme » comme se plaisent à l’appeler certains. Son capital sympathie est bien moindre. On aime même l’opposer au libéralisme politique. Il serait une caricature, voire une dépravation des principes de liberté originels. Un culte au « marché », par des individus prônant la « loi de la jungle » et une compétition sauvage.
Or, il est impossible d’être un état « libéral » politiquement – un état de droit avec pouvoir étatique limité – sans une économie libéralisée. C’est la thèse de Milton Friedman, éminent libéral de la deuxième partie du XXe siècle et prix Nobel d’économie en 1976, dans Capitalisme et Liberté.
En effet, impossible de se trouver dans un pays libre si les moyens de productions sont détenus par l’Etat. Comment pourrait s’exprimer la dissidence ? Coupler le monopole de la violence légale à la gestion des ressources économiques est assurément incompatible avec l’idéal d’une société libre et d’un Etat svelte. La porte ouverte aux dérives autoritaires.
Mais qu’est-ce que le « marché » ? Cette institution tant honnie dont les libéraux parlent tout le temps comme la manière optimale de gérer les ressources d’une société. Loin d’un concept ésotérique, le marché ne représente que l’ensemble des principes qui permettent aux individus d’échanger de manière libre et volontaire. La rencontre d’offreurs et de demandeurs qui s’accordent pour échanger. Ce processus entraîne la fixation d’un prix qui correspond au mieux à la réalité, contrairement au modèle centralisateur et planificateur qui décide de façon arbitraire de la valeur d’un échange.
Cet échange doit être soumis à certaines conditions pour être réellement libre : une concurrence saine entre les différents producteurs, la liberté d’entrer sur le marché, de vendre ses produits et de s’enrichir, tout en proposant les meilleurs produits aux consommateurs.
Cette manière de procéder est bien plus efficiente qu’une organisation centralisée planifiant les échanges. En effet, un système décentralisé permet une meilleure gestion de la complexité de l’information. Dans ce cadre, l’Etat ne devrait agir uniquement là où le marché ne le peut pas.
Limiter le pouvoir discrétionnaire de l’Etat a été décisif dans le développement de société plus justes comme nous l’avons vu. Mais cela a aussi servi au développement économique sans précédent au XVIIIe et XIXe siècle. Douglass North, un des historiens économiques les plus importants du siècle dernier, a montré que l’émergence du monde occidental tel qu’on le connaît repose sur des innovations institutionnelles libérales. En effet, les droits de propriété, les services financiers ont permis d’une part « d’aligner les bénéfices individuels et collectifs » et de minimiser les coûts de transactions – corruption, bureaucratie, corporatisme – inhérents à une économie sans règles établies.
Ces règles du jeu claires pour tous et la garantie des droits de propriété incitent les individus à investir et à créer de la richesse. En limitant les entraves à la liberté, l’être humain peut s’épanouir et améliorer sa condition.
Et la morale ?
D’autres critiques que l’on entend souvent, se concentrent sur l’absence de moralité des libéraux. Ils n’auraient ni principes ni valeurs, si ce n’est qu’une foi aveugle dans le marché et un amour du profit.
Dans un sens, le libéralisme est une des rares idéologies sans dogme moral à imposer à la société. Les libéraux ne s’occupent pas de ce qui est bien, car chaque individu en a sa propre conception. Ils refusent l’imposition à autrui d’une vision propre, au nom d’un idéal de bien commun, et au détriment des libertés individuelles.
Par exemple, il est possible d’être opposé à la consommation de drogue à titre personnel, mais de militer pour la légalisation du cannabis en considérant que chacun doit être libre de faire ses propres choix. Idem pour le mariage pour tous ou l’avortement. Un libéral souhaite que chaque individu puisse agir comme il l’entend, sans subir les valeurs morales imposées par l’Etat. Son rôle se limite dans ce cadre-là à garantir la justice et à protéger les individus d’une agression.
Je n’ai ici effectué qu’une simple introduction de plus de trois cent ans d’idées et principes du libéralisme. Être libéral, c’est se doter d’une grille de lecture pour permettre d’appréhender la société dans son ensemble. J’espère avoir suscité en vous curiosité et intérêt pour la liberté. Nous vous proposerons dans les prochaines semaines un voyage au sein de thématiques variées et passionnantes ayant trait à la liberté. Sentez-vous libre d’y participer.