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Interview de Christoph Heuermann – Propriétaire du SY Staatenlos

Dans cette série – Passeport pour la liberté – Nicolas Jutzet part sur le chemin de la liberté, en s’intéressant aux alternatives qui existent, celles qui ont existé et celles de demain, pour échapper aux États modernes. Pour compléter le deuxième épisode, nous avons interviewé le propriétaire du SY Staatenlos et fondateur de «Tax Free Today».

Comment vous êtes-vous intéressé au libéralisme ?

Par hasard ! Durant ma scolarité en Allemagne, j’étais de base plutôt favorable au parti libéral local, mais je n’avais pratiquement aucune connaissance de la pensée libérale. J’ai commencé à étudier les sciences politiques et administratives à l’université dans le but de devenir un jour membre de la fonction publique internationale. Mon premier séminaire de philosophie politique – ironie de l’histoire, avec un professeur communiste – m’a mis sur la bonne voie. J’ai loupé la première heure à cause d’une fête trop arrosée le soir d’avant – en arrivant, un sujet m’avait été attribué. Il s’agissait de «Friedrich von Hayek», prix Nobel d’économie et libéral-classique. J’ai passé les quatre mois suivants à travailler sur son œuvre. Entre autres, sur son ouvrage «La route de la servitude». J’ai apprécié ses idées. Pendant les vacances du semestre suivant, j’ai profité de mon temps libre pour lire de nombreux autres livres. Avec les œuvres de Murray Rothbard, Hans-Hermann Hoppe ou Ayn Rand. Mes opinions politiques se sont rapidement radicalisées. J’ai essayé de me rapprocher de la petite communauté libertarienne allemande d’alors (2012) sur Internet. Puis j’ai participé à la première «Semaine de la liberté» parrainée par la Hayek-Gesellschaft allemande. Par la suite, je me suis beaucoup engagé dans le milieu libertarien en Allemagne, par exemple en fondant le Hayek Club Konstanz, où j’ai beaucoup appris sur l’esprit d’entreprise. Avec le temps, j’ai dû admettre que mon envie initiale de travailler pour l’État était difficilement compatible avec mes valeurs.

Ensuite, pendant un semestre à l’étranger à Madrid en 2013, avec mon premier voyage en Amérique du Sud, je me suis beaucoup développé sur le plan personnel et j’ai décidé de finir mes études, mais de passer l’année et demie restante principalement à me former intensivement pour pouvoir exercer une activité indépendante. Lors de conférences, j’ai découvert le concept de «perpetual traveler» qui consiste à voyager beaucoup, être libre et gagner de l’argent en ligne. Cela me semblait tout à fait approprié pour moi. Ainsi, non seulement ma nouvelle vie mais aussi une idée d’entreprise sont nées («Tax Free Today»).

Qu’est-ce qui vous plaît dans le libéralisme ?

Je ne me qualifierais pas nécessairement de libéral, car au fil du temps, mon opinion s’est fortement orientée vers l’anarcho-capitalisme, qui me semble beaucoup plus cohérent. Le problème du libéralisme est son manque d’applicabilité par des moyens démocratiques dans des sociétés qui sont pour la plupart déjà dirigées par l’État. Au cours de mes études, j’ai pu constater, grâce à des stages à Berlin et à Bruxelles, que la défense de la liberté par des moyens politiques est un objectif utopique. De nombreuses personnes ne veulent pas du tout être libres, mais préfèrent être en sécurité. Les anarcho-capitalistes choisissent un mode de vie qui leur permet de maximiser leur liberté, s’appuient sur la créativité entrepreneuriale ou construisent des sociétés parallèles grâce à la technologie – par exemple la blockchain. C’est l’approche la plus prometteuse à mes yeux. Cela dit, je suis reconnaissant au libéralisme et je partage entièrement ses valeurs fondamentales, même si je n’y crois que sous une forme beaucoup plus ambitieuse.

À quoi ressemblent les clients types de «Tax Free Today» ? Principalement des Européens ?

Mes clients sont principalement des Allemands, mais aussi de nombreux Autrichiens, Suisses ou même Italiens. Mon objectif a toujours été de mettre à la disposition des gens normaux les connaissances des grandes entreprises et des family offices. Au début, je me suis surtout concentré sur les indépendants et les petits entrepreneurs en ligne. Entre-temps, je conseille aussi souvent des entreprises de taille moyenne et des particuliers. Le client type de «Tax Free Today» gagne entre 50’000 et 5 millions d’euros par an. Cependant, tous ne sont pas mobiles et flexibles – mes conseils consistent souvent à essayer de profiter autant que possible des possibilités proposées par la fiscalité locale de ces personnes. Je ne suis ni conseiller fiscal ni avocat, mais je connais suffisamment bien le monde pour trouver des moyens juridiques créatifs que d’autres ne connaissent pas. Mon réseau de quelques avocats et conseillers fiscaux partenaires compétents s’occupe ensuite de la mise en œuvre.

Au lieu de sans cesse voyager, ne faudrait-il pas créer un pays réellement libre ?

La réponse à cette question dépend de votre personnalité et de vos objectifs de vie. Pour moi, même s’il y avait un pays entièrement libre, je continuerais probablement de voyager à travers le monde. En vivant de la sorte, je peux même me rendre dans des pays communistes en profitant de beaucoup de libertés, parce que je ne me soumets pas durablement à leur système. Mon pays préféré, par exemple, est l’Argentine – un enfer fiscal horriblement bureaucratique, mais aussi un pays très agréable pour y vivre. Personnellement, je ne peux pas m’imaginer m’installer durablement quelque part – cette planète est trop belle pour ne pas en explorer les moindres recoins. Désormais, je vis une partie de l’année sur mon catamaran «SY Staatenlos» – naviguer autour du monde est une nouvelle façon de vivre cette liberté. En parallèle, j’essaie évidemment de faire naître des sociétés libres. Je soutiens depuis longtemps des projets comme les villes privées libres ou Seasteading (fonder un État sur la mer dans les eaux internationales). Je suis fortement impliqué en tant qu’investisseur dans un projet de zones spéciales autonomes au Honduras. Ces zones gérées par le secteur privé, basées sur un contrat volontaire qui ne peut être modifié unilatéralement, sont une meilleure solution pour notre coexistence que les grands États-nations. Personnellement, j’aimerais voir un monde de dix mille Liechtenstein et Monaco. Précisément parce que je sais aussi que le voyage permanent n’est une option que pour une fraction de la population.

Que reprochez-vous aux États traditionnels ?

Assez de choses pour écrire des livres. Tout d’abord le fait que tous les États s’appuient sur des principes qui permettent l’usage de la coercition et de la force. Mais également qu’ils agissent sans posséder les informations nécessaires pour le faire, comme l’a montré Hayek. Pourquoi un État devrait-il savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous ? Pourquoi devrions-nous déléguer notre responsabilité naturelle envers nos semblables à une autorité extérieure ? Pourquoi devrions-nous nous laisser dépouiller et en être reconnaissants ? Pourquoi devrions-nous nous laisser protéger sans réclamer de compensation lorsque cette protection échoue ? En bref, pour moi c’est l’État qui est antisocial, pas ceux qui y échappent. La vraie liberté est incompatible avec la fiction d’État. C’est pourquoi je me battrai jusqu’à mon dernier souffle pour donner aux gens du monde entier une vie plus libre.

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